Les points de vue sur Portugal de Philippe Riés Chroniquer
economique à Mediapart.fr
Le Président de la République portugaise Cavaco Silva a
décidé de déferrer au Tribunal constitutionnel, c'est une
de ses prérogatives, certaines dispositions d'un budget 2013
d'austérité aggravée parce qu'il a des «doutes
» sur le caractère équilibré des efforts imposés à la
population d'un pays qui va entrer dans sa troisième
année consécutive de récession, une situation inédite
depuis la révolution des oeillets de 1974. Des doutes?
Au moment même où ce chef de l'Etat à la réputation
personnelle plus que ternie se livrait à cette manoeuvre
parfaitement démagogique, on apprenait qu'une des principales
figures du «cavaquisme», Manuel Dias Loureiro,
passait les fêtes de fin d'année au Copacabana Palace de
Rio de Janeiro, où une simple chambre coûte quelque 600
euros la nuit. Soit d'avantage que le salaire minimum du pays.
Voilà qui devrait suffire à lever les«doutes» de l'occupant
du palais présidentiel de Belem.
Détenteur de portefeuilles ministériels clefs dans les
gouvernements PSD dont Cavaco Silva était le chef, ancien
membre du Conseil d'Etat, ce saint des saints de la caste
politicienne portugaise, Dias Loureiro,«protégé»de Cavaco,
est une figure centrale de ce qui devrait être un énorme
scandale européen, une affaire d'Etat, la faillite de la
banque BPN. Cette faillite frauduleuse pourrait coûter auX
contribuables portugais, celui là même qui resserre sa ceinture
d'un dans année après année, jusqu'à sept milliards d'euros,
soit près d'un dixième de l'aide financière internationale que
le pays a du demander en 2011, avec comme contrepartie le
programme de remise en ordre des finances publiques surveillé
par la «troïka» UE-BCE-FMI.
L'activité principale des dirigeants de cette banque du «bloc
central» (les partis de centre gauche et centre droit qui
alternent au pouvoir depuis la chute de la dictature salazariste)
consistait à accorder, par dizaines ou centaines de millions
d'euros, des prêts à leurs amis, familiers, clients...et à
eux-mêmes.
Dans un reportage remarquable, le journaliste de la télévision
SIC Pedro Coelho vient de révéler, par exemple, qu'une entreprise
de ciment de la galaxie Dias Loureiro avait reçu du BPN un prêt
de 90 millions d'euros. Une
autre personnalité du «cavaquisme» comme Duarte Lima, ancien chef du
groupe parlementaire PSD, emprisonné à Lisbonne et soupçonné de meurtre
par la police brésilienne, a détourné 49 millions d'euros. Cavaco
lui-même avait bénéficié, dans des conditions suspectes, d'une
attribution à prix cassé par le patron du BPN José Oliveira Costa,
un de ses anciens secrétaires d'Etat, d'actions de la SLN, holding de
tête de la banque, qu'il a pu revendre avec une plus value de 140%.
En bref, le scandale du BPN est très largement celui du «cavaquisme».
Et ce personnage a des «doutes» sur l'équité de la politique
d'austérité?
Ces milliards d'euros sont considérés comme définitivement perdus..
.mais par tous le monde. Quand le scandale a éclaté en 2009, la
presse portugaise a révélé que Dias Loureiro, administrateur de la
SLN, avait soigneusement organisé son insolvabilité personnelle en
transférant ses avoirs à des membres de sa famille ou des sociétés
offshore. De quoi payer la chambre au Copacabana Palace, sans doute?
Et au fait, qui donc Dias Loureiro a-t-il retrouvé pour les fêtes
dans cet hôtel de rêve, jadis favoris des vedettes de Hollywood? Nul
autre que Miguel Relvas, pilier de l'actuel gouvernement PSD, ami
proche et «père Joseph» du Premier ministre Pedro Passos Coelho.
Relvas, dont le maintien au gouvernement est en soi un scandale,
alors qu'il a été convaincu d'avoir obtenu frauduleusement
une licence universitaire afin de pouvoir porter ce titre de
«docteur» dont la bourgeoisie d'Etat lusitanienne est si ridiculement
friande.
Comme Armando Vara, ami intime de l'ancien Premier ministre
«socialiste» José Socrates qui a placé le FMI sous la tutelle de la
«troïka», Dias Loureiro et les « du BPN, sont l'illustration que la
politique professionnelle est bien, dans certaines «démocraties»
européennes, le chemin le plus sûr vers l'enrichissement personnel
rapide d'une classe d'aventuriers. En Grèce, en Irlande,
en Espagne, au Portugal. Et en France ?
C'est la première leçon. La seconde, c'est que les graves
dysfonctionnements de systèmes judiciaires eux-mêmes gangrénés par
la corruption et les réseaux d'influence permettent à de tels
individus de jouir en toute impunité de biens mal acquis.
Il est à noter que les responsables directs des désastres bancaires à
l'origine directe de la crise financière globale ont joui jusqu'ici
aux Etats-Unis eten Europe, à de rares exceptions près, d'une impunité
civile et pénale absolue.
Enfin, cerise sur le gâteau, la surveillance bancaire confiée
désormais dans la zone euro à la Banque centrale européenne, y sera
sous la responsabilité du vice-président Vitor Constancio, hiérarque
socialiste portugais et gouverneur de la Banque du Portugal, le
régulateur bancaire, quand les «cavaquistes»
du BPN se livraient à leurs acrobaties nauséabondes.
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